« Les Fédés, ce n’était pas que pour boire… »

24 juin 2025

« Les Fédés, ce n’était pas que pour boire… »

[Personnages]
Léon, moustache de soie, ancien canut, fin connaisseur de l’histoire lyonnaise.
Gaston, son pote de toujours, plus porté sur le pinard que sur les archives, mais mémoire étonnante.

LÉON :
Regarde-moi ça, Gaston. Encore un troupeau de Parigots qui croit qu’ici, c’est juste un bouchon pour bouffer du gras-double.

GASTON :
Et ils ne savent même pas que « Les Fédérations », ce n’était pas une équipe de foot, hein. C’était plus subversif qu’une grève à la SNCF !

LÉON :
Ah mais ouais ! Dans le temps, avant qu’on ait le droit d’s’associer comme des grandes personnes, y’avait intérêt à la fermer. Sous Napoléon le p’tit – l’autre empereur de pacotille – une réunion de 4 bonshommes, c’était déjà un complot.

GASTON :
T’sais qu’en 1865, mon oncle, il s’est fait embarquer juste pour avoir chanté « La Marseillaise » à un banquet. Paraît que ça faisait trop « républicain ».

LÉON :
Ben ouais. Et les « fédérations », à Lyon, c’était nos clubs à nous. Des regroupements d’ouvriers, de tisseurs, de républicains… mais chut, fallait pas trop le dire fort. Tu ne signais pas un bulletin d’adhésion, tu faisais un clin d’œil et t’entrais par la porte de derrière.

GASTON :
Et pas que pour discuter politique, hein ! On s’entraidait : un môme malade, une veuve à soutenir, un collègue sans boulot… C’était des vraies familles, ces Fédés.

LÉON :
Mais attention, pas question de foutre ça sur une plaque. Avant la loi de 1901, on n’avait pas le droit de s’associer. Faut attendre Waldeck-Rousseau – un malin, celui-là. Grâce à lui, t’avais plus besoin de chuchoter dans les traboules pour organiser un bal ou une mutuelle.

GASTON :
Et paf, le jour où s’est devenu légal, le bistrot du coin – ici, même endroit – a gardé le nom. Comme un hommage discret à tous ceux qui, avant nous, ont résisté à coups de quenelles et de convictions.

LÉON :
Tu parles. Ici, on n’a peut-être pas fait tomber des gouvernements, mais on les a bien secoués à coups de verres levés. Les fédérations, c’était l’art de faire de la politique avec une serviette autour du cou.

GASTON :
Et un saucisson brioché dans l’assiette !

LÉON :
Ouais. Et ça, mon vieux, y’a pas d’article dans le Code civil pour expliquer ce que ça veut dire. Faut l’avoir vécu.

[Ils trinquent, les yeux dans le passé, le cœur encore plein de camaraderie.]

 

LYON depuis 1872

Café Des Fédés - Bouchon lyonnais depuis 1872
Café des Fédés - Maître restaurateur à Lyon